Quelle politique étrangère pour les États-Unis de Joe Biden ?
Orbis Géopolitique
23 janvier 2021

 


Comparativement à Donald Trump, Joe Biden maitrise avec aisance les rouages de la géopolitique. Son parcours politique à la présidence de la commission des Affaires étrangères du Sénat lui a en effet donné l’occasion de s’y intéresser de près. Homme de compromis, multilatéraliste, désireux de renouer avec la stratégie de son ancien mentor Barack Obama, il s’apprête donc à rompre avec l’héritage Trump. Un virage à 1800 pour les États-Unis ?


Après D. Trump, l’unilatéralisme et le patriotisme économique vont laisser la place à une nouvelle diplomatie. Nouvelle ? Pas exactement, car J. Biden, c’est le couple Obama-Clinton de retour à la Maison-Blanche. Bien que les intérêts des États-Unis demeureront toujours dirigés vers l’Extrême-Orient et continueront donc de se détourner de l’Europe, ce que B. Obama avait déjà enclenché avec le « pivot vers l’Est », de nombreux changements diplomatiques vont voir le jour. En réalité, c’est bien la tactique qui changera et pas réellement la stratégie.

Mais qu’en sera-t-il concrètement ?

Dans un tweet du 7 juillet 2020, J. Biden déclare : « Je rétablirai notre leadership sur la scène internationale. » Si D. Trump ne l’a pas forcément annihilé, il a, sans nul doute, considérablement restreint la face interventionniste des États-Unis. À l’égard de l’Europe, tout d’abord, J. Biden souhaite renouer avec la politique menée par son ancien mentor. Sous B. Obama, en effet, il avait promu l’élargissement de l’OTAN et un rapprochement conséquent avec l’Union européenne. J. Biden souhaite donc recouvrir un rôle de premier plan dans une Europe divisée et désireuse de se bâtir une certaine autonomie stratégique. Ainsi, si le nouveau président sera plus complaisant à l’égard de l’Occident, retenons qu’il ne cèdera pas sur les dépenses du vieux continent à l’égard de l’OTAN. Une rengaine qui laisse penser à des nouvelles crises au sein de l’Alliance atlantique.

D’autre part, et c’est en cela que la filiation Clinton ressort incontestablement, Biden est fermement opposé à toute forme de rapprochement avec la Russie. Sans s’attarder sur le fait de savoir si c’est contre Vladimir Poutine ou la Russie que s’opposent les États-Unis, retenons cette phrase que prononçait Biden en avril dernier à Foreign Policy : « Pour contrer l’agression russe, nous devons maintenir les capacités militaires de l’alliance à un niveau élevé tout en élargissant sa capacité à faire face à des menaces non traditionnelles, telles que la corruption armée, la désinformation et le vol informatique. » Une formule qui indique, une fois encore, que la Guerre froide n’est pas terminée.

Au Moyen-Orient, le président Biden rompra, en partie, avec la géopolitique entreprise par l’administration Trump. En souhaitant se détacher des alliances turques et saoudiennes, qu’il juge trop offensives au Yémen notamment, c’est surtout à l’égard de l’Iran que la diplomatie américaine va considérablement évoluer. L’accord de Vienne du 14 juillet 2015, en effet, sur l’allégement des sanctions américaines, sera remis sur la table des négociations. Un choix qui contredit sa politique fermement pro-israélienne, illustrée par le fait qu’il ne reviendra pas sur les actes de Trump à l’égard de l’État hébreu. Le rapprochement avec la République islamique brisera, en ce sens, l’héritage de son prédécesseur qui avait tout fait pour unir les États du Golfe à Israël contre l’Iran. Mais le nouveau locataire de la Maison-Blanche continuera, comme le fit Obama, mais également son prédécesseur, le retrait américain du Moyen-Orient. Cette région semble donc ne plus être le centre des intérêts des États-Unis. Notons enfin que Biden mettra fin au Muslim Ban, ce qui permettra de nouer de nouvelles relations avec les États musulmans visés.

Ainsi, la nouvelle géopolitique des États-Unis sera un véritable retour à celle menée par Obama. Sous ce dernier, Biden avait créé le partenariat transpacifique, que Trump a enterré, et a toujours privilégié le compromis face à la Chine. Mais quelle sera son attitude envers Pékin, alors que la guerre géopolitico-commerciale que se mènent les deux États fait rage ?

L’administration Biden sera donc des plus prévisibles, car, à l’inverse de son prédécesseur, il se voudra fervent défenseur du droit international et le privilégiera sur les rapports de force. En souhaitant bâtir, par exemple, un Sommet des démocraties et en demandant la réintégration des États-Unis dans l’Organisation mondiale de la santé ou dans les accords de Paris sur le climat, Joe Biden renouera avec la géopolitique classique des États-Unis. Fini la realpolitik. Teinté de néo-conservatisme, dans ses rapports avec la Russie et dans la mesure où il a affirmé que « l’Amérique est un phare pour le monde », il reviendra et fera revenir le monde au statu quo ante. Des prévisions qui devront ensuite se frotter aux réalités et aux imprévus des relations internationales.