Sydney, 2 mai 2018. Sur la base navale de Garden Island, le président de la République expose la stratégie française dans l’océan Indien : « la France doit assumer le rôle d’une puissance médiatrice, inclusive et stabilisatrice ». Entre l’Afrique et l’Indonésie, au sud de l’Iran, du Pakistan et de l’Inde et des portes de la Chine, l’océan Indien s’impose comme un pôle stratégique des enjeux géopolitiques contemporains.
Derrière les États-Unis, la France dispose de la deuxième zone économique exclusive (ZEE) la plus importante au monde (10 070 754 km²). Étant le seul pays présent sur six des sept continents et sur les trois plus grands océans de la planète, elle est un acteur majeur du concert des nations maritimes. Notre présence dans l’océan Indien constitue 93% de notre zone ZEE, ce qui témoigne de son importance. Les îles de la Réunion et de Mayotte, qui sont les plus réputées, mais également les îles Éparses avec Crozet, Amsterdam et Saint-Paul, ou Kerguelen et Tromelin, y forment des espaces de souveraineté française. Bien qu’elles ne rassemblent qu’1,6 million d’habitants et soient, pour la plupart, revendiquées par des territoires côtiers, elles demeurent, au vu de leurs emplacements stratégiques, des objets géopolitiques vitaux pour notre pays.
Nos intérêts y sont tout d’abord économiques. En effet, l’océan Indien contient un des sous-sols les plus riches de la planète. Il renferme près de 55 % des réserves mondiales de pétrole, 60 % d’uranium, 80 % de diamant, 40 % de gaz et 40 % d’or et ce, sans compter les réserves halieutiques.
D’autre part, c’est pour sécuriser les détroits de cet espace, qui sont autant de points de passages pour le commerce mondial, que la France y entretient une présence. 40% du pétrole mondial passe par le détroit d’Ormuz et 7,5% du commerce maritime mondial transite par la Corne de l’Afrique. Les détroits d’Ormuz, de Malacca, de la Sonde ou de Lombok au large de l’Indonésie, de Palk entre l’Inde et le Sri Lanka, mais aussi les canaux de Suez et du Mozambique font en effet les frais de la piraterie qui sévit dans la région. Pour contrer ce fléau, la France prend part à l’opération Atalante ou à l’Accord de coopération régionale contre la piraterie et le vol à main armée contre les navires en Asie, organisations mises en place pour sécuriser la zone et permettre la libre circulation du trafic maritime.
Depuis que le centre de gravité des enjeux géopolitiques internationaux se situe en Orient, notre pays entreprend de faire, lui aussi, son « pivot vers l’est ». Six membres du G20, que sont l’Australie, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie et le Japon sont, en effet, présents dans l’océan Indien. Fort de notre étroite collaboration, depuis plus de trente ans, avec la Commission de l’océan Indien, aux côtés de l’Union des Comores, de Madagascar, de l’île Maurice et des Seychelles, nous détenons également le statut d’acteur majeur de cet espace. Sur le plan proprement stratégique, notre base à Djibouti nous permet le contrôle de l’Afrique de l’Est et du détroit de Bab el-Mandeb, tout comme notre assise aux Émirats arabes unis qui nous ouvre la porte du Golfe et du détroit d’Ormuz. Mais c’est surtout pour faire concurrence, ou, du moins, pour contenir les prétentions de nos partenaires que nous y entretenons une présence constante. Les États-Unis y disposent en effet de la base de Diego Garcia, escale pour leur Ve flotte. D’autre part, les « nouvelles routes de la soie » chinoise tout comme leur stratégie du « collier de perles » font de l’océan Indien « l’étranger proche » de Pékin. L’Inde, outre sa ZEE de plus de 2 000 km2, dispose pour sa part d’une diaspora de 6 à 7 millions de ressortissants en Asie du Sud-Est, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Son plan d’armement naval de 2017-2027 prévoit de doubler le nombre de ses bâtiments de surface, sous-marins et aéronefs. Autant d’alertes qui doivent nous faire prendre conscience de la valeur de cet océan.
Comme le disait Alfred Thayer Mahan, officier de la marine américaine au XIXe siècle, « la puissance qui dominera l’océan Indien contrôlera l’Asie et l’avenir du monde se jouera dans ses eaux ». Troisième plus grand océan du monde, cet espace est devenu autant une zone d’influence qu’un point de frictions entre les principales puissances du monde. Notre présence au sein de l’ASEAN Defence Ministers Meeting-Plus ou du Programme régional océanien pour l’environnement, par exemple, mettent en avant notre volonté de peser sur l’avenir de cette zone stratégique. En se faisant le champion du droit à la liberté de circulation, de l’équilibre des puissances et de la coopération, nous nous devons de maintenir notre statut d’acteur majeur dans cet espace devenu un laboratoire de la collaboration navale internationale.