La sécurité privée, un secteur en croissance
Orbis Géopolitique
18 novembre 2020


L’insécurité qui règne dans notre pays ne semble pas s’amenuir. Face à cela de nombreuses sociétés de sécurité privée sortent de terre pour prévenir des risques et protéger les biens, les personnes et l’information. Analyse d’un secteur en pleine croissance, certes, mais dont l’encadrement juridique est très strict, l’État voulant garder son monopole « violence légitime ».


En France, la sécurité privée est principalement assurée par des entreprises de prestation de service. Que ce soit dans les centres commerciaux, les festivals, les stades, les aéroports, voire même les maisons de particuliers, elle fait partie intégrante de notre quotidien.

Si la sécurité privée gagne aujourd’hui du terrain, c’est au XIXe siècle qu’elle a connu son heure de gloire. En 1833, la première société privée de sécurité voit le jour avec Vidocq qui crée le Bureau de renseignements pour le commerce. Des sociétés de détectives privés vont également se développer, tout comme des polices internes des grands magasins.

Ce secteur n’est encadré administrativement qu’au XXe siècle. Les décrets n° 79-618 du 13 juillet 1979 relatif à la sécurité des transports de fonds ainsi que le texte fondateur de la réglementation en sécurité privée en France, la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, établissent les contours juridiques d’un domaine alors en pleine expansion.

En 2012 est créé le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS). Service de police administrative rattaché au ministère de l’Intérieur, il devient l’autorité compétente pour former les agents, délivrer les autorisations d’exercice et contrôler les acteurs, qu’ils soient physiques ou moraux. La loi n° 2017-158 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique ainsi que le décret n° 2017-1844 du 29 décembre 2017 viennent définir le cadre législatif de l’accès à une activité de surveillance armée et de l’exercice d’une mission armée. En effet, l’usage d’armes de catégorie B et D, élément soumis à une autorisation d’exercice délivrée par le CNAPS et une autorisation de mission délivrée par la préfecture compétente, est autorisé.

Notre pays compte aujourd’hui plus de 177 000 salariés travaillant dans ce domaine (47% des effectifs se situent en Île-de-France). Selon l’Observatoire des métiers de la prévention et de la sécurité, ce secteur a connu, en 2019, 3,3% de croissance de chiffre d’affaires. Les domaines des drones de surveillance, de la cybersécurité, de la télésurveillance résidentielle, de la protection rapprochée et de la vidéosurveillance en sont les principales causes. A contrario, le secteur du transport de fond a connu une récession de 2,1%.  Étant donné que 56% du chiffre d’affaires de la sécurité privé est dû à la sécurité électronique, il semblerait que l’avenir de ce secteur se situe dans les nouvelles technologies. Une fois encore, le cyber est au centre des attentions.

À l’heure des nouvelles menaces et de la 5G, démultipliant les logiciels et les portes d’entrée pour les hackers, les défis à venir sont donc essentiellement dans le renforcement de la capacité en cyberdéfense. De même, la multiplication des sociétés a alerté la Cour des comptes qui, début 2018, s’inquiétait de « l’apparition d’une forme d’ubérisation de la profession, à travers le développement de plateformes numériques, proposant des prestations à bas coûts en dehors de toute réglementation ». À l’inverse, dans le domaine militaire, peu d’entreprises emploient la majeure partie des agents, élément qui « pourrait déboucher sur une hyperconcentration et la constitution d’une ou deux grandes Entreprises de Services de Sécurité et de Défense françaises dotées d’une surface financière et opérationnelle suffisante pour affronter leurs concurrents étrangers » selon Georges-Henri Martin-Bricet, directeur du développement de l’École supérieure de la sûreté des entreprises. Assistera-t-on, en ce sens, à l’alliance des trois grands groupes que sont Anticip, CEIS et Risk&Co et à l’apparition d’un monopole sur ce marché ? Mais le plus grand défi demeure, sans nul doute, le manque d’effectif. À l’approche des Jeux Olympiques de 2024, la profession souhaite recruter près de 25 000 nouveaux agents. Un élément auquel la numérisation du secteur ne pourra jamais pallier.