Les hackers s’attaquent aux États : un exemple au Chili
Orbis Géopolitique
20 octobre 2020


Éprouvé par plusieurs cyberattaques, le Chili améliore ses réponses aux menaces numériques. Modernisation de l’arsenal législatif et coopération internationale forment les deux atouts sur lesquels Santiago base ses espoirs. Mais le chemin qu’il reste à parcourir demeure encore long et ardu.


Dans le monde intense des cyberattaques, le Chili n’est pas épargné. BancoEstado, une des plus grandes banques du pays, en a fait les frais le 8 septembre dernier. Un malware arrivé par e-mail : une porte d’entrée innocente qui a donné lieu au paiement d’une rançon et à la fermeture momentanée de plusieurs agences. Bien que le gouvernement ait lancé le jour même une alerte nationale de cybersécurité, il n’est pas en mesure de faire face aux multiples attaques qui pourraient frapper son pays. Durant l’été 2018, des cyberattaques visaient les numéros, codes de vérification et dates d’expirations de quelques 14 000 cartes de crédits chiliennes et les ont publiés sur les réseaux sociaux. L’année précédente, Banco de Chile été victime d’un cybervol de 10 millions de dollars. Trois exemples qui illustrent combien les États et les entreprises demeurent une cible facile pour ces assauts à caractères numériques et se doit de trouver le moyen d’endiguer cette menace.

 

La menace cyber : un danger auquel Santiago tente d’apporter des réponses

 

Le cyber concerne de nombreux domaines et s’attaque sans discernement aux entreprises, institutions et populations. A l’instar de tant d’autres pays, le Chili peine à faire face à cette menace constante tant elle se veut imprévisible et destructrice. Empêtré dans une crise politique qui le rend encore plus vulnérable, le Chili entend néanmoins apporter des réponses et se donner l’image d’un pays combattant les cyberattaques. En ce sens, les différentes agressions évoquées précédemment ont permis l’accélération de la réforme de la loi sur la cybercriminalité, dépassée de 25 ans. Déjà, le 27 avril 2017, la présidente Michelle Bachelet divulguait la première stratégie nationale de cybersécurité du Chili et signait le décret de promulgation de la Convention de Budapest sur la cybercriminalité. De plus, et dans le but d’unir ses forces pour gagner en puissance de frappe, elle s’associait au Conseil de l’Europe afin d’engager une coopération visant à renforcer les capacités d’action de l’Amérique latine en la matière.

 

La crise du Coronavirus a également permis au chef d’Etat chilien de signer un appel, conçu par le président du Comité International de la Croix Rouge, Peter Maurer, et demandant aux gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour contrer les cyberattaques contre le secteur de la santé. Dans cette logique, en mai 2020, la société israélienne de cyber Toka est choisie par le gouvernement chilien et la Banque interaméricaine de développement pour conseiller Santiago sur la modernisation à effectuer en matière de cybersécurité nationale ainsi que sur le renforcement de ses capacités opérationnelles. Cela lui permettra de mettre à jour ses facultés à pouvoir contrer une cyberattaque, de renforcer sa résilience face aux menaces numériques et de se prémunir, en homme et en matériel, face à d’éventuelles agressions cyber.

 

L’adaptation : un concept central dans la lutte contre les cyberattaques

 

Le Chili peut-il être considéré comme une cible facile pour les cyberattaques ? L’ancienneté de sa législation sur la cybercriminalité peut être une des nombreuses réponses. En 2018, Cristian Ocaña, président de l’Alliance chilienne pour la cybersécurité, affirmait que le principal problème résidait essentiellement dans la loi actuelle qui ne prévoit pas de sanctions de responsabilité qui obligent les institutions à investir dans la protection des données. En effet, et c’est sans aucun doute le grand défi auquel est confronté l’ensemble des Etats du globe, la protection des données personnelles demeure comme le sujet sensible de ces cyberattaques tant il en va du respect de la vie privée. Mais la violence et l’imprédictibilité de ces attaques demeurent comme les deux facteurs explicatifs de la vulnérabilité du Chili. En cela, Santiago se trouve dans une situation comparable à bien d’autres pays à travers la planète.

 

Quelle réponse est-il donc possible d’apporter ? La coopération internationale mais également une mise à jour des stratégies nationales en matière de cybersécurité peuvent en faire partie. Sur ce dernier point, les gouvernements chiliens, mais également argentins, brésiliens, colombiens, costaricains, dominicains, guatémaltèques, mexicains, panaméens et paraguayens ont récemment mis en place des politiques locales de lutte contre les cybermenaces et ce, par des moyens aussi divers que variés. En l’espèce, le Chili a axé sa stratégie sur la modernisation de l’éducation en la matière et sur la sensibilisation au concept de la cybernétique. Une campagne a même été lancée sur ces thématiques, ce qui a permis d’offrir à un large public les ressources et connaissances nécessaires pour faire face aux dangers du numérique.  Dans cette même optique, Santiago a récemment créé un Comité interministériel de cybersécurité, regroupant plusieurs agences gouvernementales. De nombreux experts universitaires ou du secteur privé y prennent part. Autant d’actions politiques qui permettent au Chili de se prémunir, autant qu’il le peut, face aux cyberattaques, et de limiter, par une préparation en amont, les risques dû aux dangers du monde numérique.