Mike Pence, celui qui se situe « à un battement de cœur du Bureau ovale »
Orbis Géopolitique
27 octobre 2020


Discret et loyal à Donald Trump, conservateur sur le plan des mœurs et « faucon » du point de vue de la politique étrangère : voilà Mike Pence. Sobre dans ses paroles et agissant dans l’ombre, le vice-président suit son supérieur hiérarchique avec dévouement. Mal connu du grand public, il est pourtant très haut placé dans l’administration politique des Etats-Unis. Il a été, une nouvelle fois, nommé pour accompagner l’actuel président dans un potentiel second mandat. Retour sur une carrière somme toute classique mais où le terme « fidélité » semble prendre tout son sens.


« Je suis chrétien, conservateur et républicain, dans cet ordre ». Trois termes qui décrivent, chacun à leur manière, le vice-président de l’actuel locataire de la Maison-Blanche. Homme au regard perçant, à la coiffure aussi blanche qu’impeccablement peignée et à la parole aussi rare qu’elle se veut pertinente, Mike Pence ne fait que rarement l’objet des attentions dans notre pays. Pourtant, sa position de vice-président, donc de potentiel successeur direct de Donald Trump, mais également de président du Sénat, font de lui un personnage central de l’échiquier politique américain.

 

Un républicain convaincu

Issu d’une famille d’immigrés irlandais établie dans l’Indiana, le jeune Michael Richard Pence, qui né le 7 juin 1959, est élevé dans la foi catholique et dans un univers démocrate où la fascination pour la personne de J.F Kennedy est de mise. En 1977, il sort diplômé de Columbus North High School, passe le concours du baccalauréat en histoire au Collège de Hanovre en 1981 et obtient un diplôme en droit de l’Université de l’Indiana en 1986, ce qui lui ouvre les portes de l’avocature. C’est au cours de ses années d’études qu’il modifie sa pensée politique. Récemment converti au protestantisme évangélique, il adhère au mouvement Born again, ce qui lui confère une vision prosélyte de la foi, élément qui fera partie intégrante de sa carrière politique. Cela le rapproche du Grand Old Party en 1988. Désireux de se tailler une place au sein de la haute classe du pays, il fonde sa propre radio dans les années 1990. Le Mike Pence’s radio show le propulse dans la sphère médiatique des Etats-Unis, bien que ce programme demeure comme une radio secondaire. Après une tentative infructueuse, il est élu député sous l’étiquette républicaine entre 2001 et 2013 où il siège à la Commission des Affaires étrangères du Congrès, élément qui lui donnera un goût particulier pour la géopolitique. A l’issue de ces différents mandats, il devient gouverneur de l’Indiana, poste qu’il occupe entre 2013 et 2017.

 

Républicain convaincu, Mike Pence se veut également proche des idées revendiquées par le Tea Party mais également de la pensée économique inspirée par Ronald Reagan. Mouvement politique contestataire né en 1773 à Boston, le Tea Party prend ses origines dans une révolte opposant les Américains au Parlement britannique. A caractère libertarien, il s’oppose fermement à la croissance de l’Etat dans la vie des individus, à une trop forte dépense publique et à la pression fiscale, un élément qu’il a fait sien en tant que gouverneur car il promulgua une réduction d’impôt de 1,1 milliards de dollars. La crise de 2008 fait réémerger ce mouvement qui prend peu à peu la forme d’une « révolution conservatrice ». S’il dénonce l’Obamacare et toujours le poids de l’impôt, dû notamment au plan de relance engagé par Barack Obama en 2009, il permet également aux chrétiens de demander un retour de la religion et de la morale dans les affaires publiques, aux conservateurs de s’opposer à toute forme de progressisme social et aux plus radicaux de mettre en garde contre l’immigration. C’est ce mouvement qui, en 2010, permet à la Chambre de basculer dans le camp républicain. En demandant une relecture de la Constitution et son interprétation originelle, il se veut, en définitive, comme un retour aux valeurs premières qui ont bâti l’Amérique. Le Bill of Rights, soit un corpus rassemblant les libertés fondamentales définies dans les dix premiers amendements de la Constitution, apparaît comme un texte de référence pour le mouvement. Mike Pence s’en inspire, par exemple, quand il affirme avoir « sa carte à la National Rifle Association ». C’est également le Tea Party qui pousse le vice-président à remettre en cause l’existence du réchauffement climatique et à s’opposer à la politique migratoire américaine. A titre d’illustration, il tente d’empêcher, durant son mandat à la tête de l’Indiana, l’installation de réfugiés syriens dans son État sous le prétexte qu’ils puissent être noyautés par des terroristes. Bien que cette décision soit remise en cause par la justice fédérale, elle permet de prendre la mesure des origines intellectuelles de Mike Pence. Du point de vue du deuxième amendement et dans la droite ligne du Tea Party, il affirme également, en février 2014 à CNN : « Je soutiens la peine de mort. Je crois que la justice l’exige dans les cas les plus graves ». Autant d’exemples qui permettent de comprendre les origines philosophiques, oserais-je dire, du vice-président des Etats-Unis, inspirations qui guident son action politique et, en partie, celle du chef de l’Etat.

 

La religion, guide de son action politique

En fervent protestant, et tenant du Born again qui plus est, Mike Pence met la Foi au centre de sa vie et ne s’en cache pas. En 2015, alors gouverneur, il autorise une loi permettant à des entreprises de refuser de fournir des services commerciaux dans le cadre de mariages homosexuels. Bien qu’il finisse par ajouter un amendement à la législation en question afin qu’elle ne puisse pas être utilisée dans un but discriminatoire, Mike Pence ne perd pas une occasion d’arborer fièrement sa religion comme guide de ses initiatives politiques. Toujours sur le plan de l’éthique, il se montre favorable à un arrêt des subventions accordées au planning familial et affirme même que l’arrêt Roe contre Wade, une décision de justice rendue par la Cour Suprême en 1974 dans le but de criminaliser des lois qui restreignent l’avortement, doit être jeté « dans les poubelles de l’Histoire ». Sur le mariage homosexuel, il se veut fervent opposant à ce type d’union qu’il considère être comme à l’origine d’une certaine forme de décadence américaine : « l’effondrement de notre société a toujours été provoqué par la détérioration du mariage et de la famille » affirme-t-il en 2006. A titre d’illustration, il n’hésite pas à voter en faveur de l’amendement constitutionnel proposant de bannir ce type de mariage, en 2004. En janvier 2017, enfin, le couple vice-présidentiel participe à la Marche pour la vie, manifestation visant à demander l’illégalité de l’avortement. Autant d’exemples qui démontrent combien Mike Pence demeure marqué par la Foi protestante. En 2001, il sera par ailleurs l’un des 33 membres de la Chambre à voter contre le No Child Left Behind Act, une loi qui permet à l’Etat fédéral de s’investir outre mesure dans la scolarité élémentaire et secondaire. En souhaitant maintenir l’éducation familiale avant qu’elle ne soit totalement captée par l’Etat, il s’oppose donc à cette législation qui sera néanmoins adoptée l’année suivante. Chrétien convaincu, le vice-président se sent comme chargé d’une mission évangélisatrice et d’inscrire la Foi comme centre et but ultime de son action. Et cela se ressent également en politique étrangère.

 

Sur le plan de la géopolitique, en effet, Mike Pence demeure comme un de ceux qui ont poussé le Bureau ovale à se rapprocher considérablement d’Israël. « Votre cause est notre cause, vos valeurs sont nos valeurs » affirme-t-il en janvier 2018, lors d’un discours devant la Knesset. En tant qu’évangélique, il se veut des plus messianiste et croit en Jérusalem comme capitale d’Israël, Etat qu’il perçoit comme nécessaire au retour de Dieu sur terre mais également, et d’un point de vue plus géopolitique, comme essentiel pour maintenir une présence américaine en Orient. C’est dans cette logique qu’il vote, en 2001, pour le Patriot Act, qu’il soutient l’invasion de l’Irak en 2003 ou l’intervention en Libye en 2011 et maintient qu’il aurait tout fait pour renverser Bachar Al-Assad par les armes en Syrie. Les Etats-Unis doivent conserver leur suprématie stratégique et tout est bon pour y parvenir. Mike Pence s’oppose également à la Russie sur l’affaire ukrainienne et réaffirme le droit que possède l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord à exister pour contrer les prétentions de Moscou, notamment en Europe de l’Est. Un air de néo-conservatisme, de « faucon » en tout cas, qui entre bien dans la logique messianique et religieuse qui anime le vice-président depuis sa conversion. A l’instar de George W. Bush, le Born again transcende Mike Pence et le pousse à voir son pays comme l’Etat élu de Dieu. Pour lui, la guerre froide ne serait donc toujours pas terminée.

 

Discret, efficace et parmi les plus fidèles au président, Mike Pence demeure comme un pilier du « système Trump ». Bien qu’il ait été choisi par Donald Trump pour que le candidat puisse capter l’électorat chrétien et conservateur mais également, s’imposer dans la « Rust Belt » en 2016, Mike Pence n’en est pas pour autant totalement acquis à la doctrine portée par le président. S’il n’est pas favorable au droit du sol et rejette, à l’instar de Trump, l’immigration massive aux Etats-Unis, il s’oppose à lui, en 2016 par exemple, sur la question de l’accueil des musulmans et refuse le fait que tous soient assimilés à des radicaux. Contrairement au locataire de la Maison-Blanche, il est fervent libéral sur le plan économique et soutient, en ce sens, les Accords de libre-échange nord-américain (ALENA) et d’Amérique centrale (CAFTA) et souhaite que les Etats-Unis conservent leur place au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce. Bien qu’en 2016, il ait soutenu le candidat Ted Cruz durant les primaires et ce, pour son côté chrétien, patriote, opposé à l’immigration, sur le même bord éthique et pro-Israélien que lui et qu’il soit l’anti-Trump sur bien des aspects, allant du comportement médiatique et du caractère, à la vie personnelle ou à la doctrine économique, il sut se rallier et rester loyal au 45e président des Etats-Unis car ce sont, en un sens, son rejet de l’establishment et son patriotisme, entendu ici en son sens le plus large, qui l’ont séduit. Preuve de sa fidélité, il a grandement participé au sauvetage du président alors empêtré dans l’« affaire ukrainienne », à l’origine de la procédure de destitution lancée contre lui. En appelant en personne et par téléphone, Volodymyr Zelensky, sur lequel Donald Trump aurait fait pression pour qu’il ouvre une enquête contre le fils du démocrate Joe Biden, impliqué dans une entreprise gazière ukrainienne soupçonnée de corruption, il permet, dans une certaine mesure, de sortir Donald Trump de cette mauvaise passe. C’est enfin Mike Pence qui a été chargé de la stratégique politique spatiale américaine avec le nouveau Conseil national de l’espace et, également, de coordonner la lutte contre le Coronavirus. Une mission délicate, de grande envergure, a l’origine de la « plus grande mobilisation nationale depuis 1945 » et essentielle quant à une potentielle réélection de Donald Trump. Une véritable preuve de confiance.

 

Difficile à cerner et quasi-transparent pour ses adversaires, Mike Pence a sans doute été choisi pour cela par Donald Trump : un homme qui ne lui fera pas d’ombre mais qui lui apporte la rigueur, la flegme et le sérieux qu’il ne déteint pas forcément. Plus prévisible que Donald Trump tant sa rectitude doctrinale lui tient à cœur, intransigeant sur le domaine religieux, fidèle parmi les fidèles et profondément patriote, il demeure comme une pièce de choix pour le président. Fin connaisseur des arcanes de Washington, il a apporté à Donald Trump l’expérience politique, la connaissance du Parti républicain, l’électorat chrétien bien entendu mais surtout la discrétion qui permettrait à Trump de s’imposer de tout son poids dans le champ politique américain. Un couple présidentiel idéal… qui se prolongera jusqu’en 2024 ?